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Toute l'actualité sportive revisitée par l'équipe Keposport
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Toute l'actualité sportive revisitée par l'équipe Keposport
19 février 2012

Une histoire de finale

Récemment lors d’une réunion de travail Keposport (une mousse après un entrainement pour être honnête) une idée nous est venue. Comment bosser encore moins tout en publiant plus d’articles ? Tout simplement en faisant travailler les autres. Pour faire passer la chose avec un peu plus de finesse nous avons créée une nouvelle rubrique, sobrement nommée La Boîte à Souvenirs. Le concept n’est pas novateur et assez simple à saisir. Plus ou moins régulièrement, un invité viendra nous conter son meilleur souvenir sportif, celui qu’il gardera toujours en mémoire et dont il se remémore chaque émotion, chaque détail, partant du principe que les meilleures histoires sont celles que l’on a vécu. En tant qu’acteur ou en tant que spectateur, il nous expliquera pourquoi ce moment fut si particulier. Aujourd’hui pour inaugurer cette rubrique, on vous propose la contribution d’un lecteur, partenaire et joueur du TO XIII, sobrement intitulé Adrien Frigola.

Mon meilleur souvenir dans le sport est ma finale du championnat de France cadet remportée face à Lézignan, à Maurières (Vaucluse). Ce souvenir m’est précieux, non seulement parce que la victoire fut belle, mais parce qu’elle couronnait ma première saison de rugby à XIII qui fut une véritable aventure humaine. Pour la première fois j’ai eu le sentiment d’appartenir à une famille, autre que celle du sang. Cette finale a rassemblé mes deux familles, a créé une osmose parfaite et m’a fait ressentir un sentiment inexplicable… ou peut-être un truc proche du bonheur qui sait ? Dans l’optique de vous faire vivre ce que j’ai vécu, je vais tenter de mettre des mots là-dessus…

Tout d’abord je vous dresse rapidement le tableau :

C’était un après-midi de juin 2008, le 8 plus exactement, entre siestes sur la plage et Bac de français. La météo locale nous gratifiait d’un grand soleil servi avec un beau ciel bleu et le chant des cigales en fond sonore. Le mercure affichait presque autant de degrés que la boisson anisée chère aux joueurs de pétanque du coin. Le genre d’après-midis dont la chaleur caniculaire fait fermer les administrations presque avant l’heure d’ouverture. Ceux-là même qui raccourcissent les jupes des filles et font plonger les décolletés.

Le décor étant posé, place à l’action, mais tout d’abord, les préparatifs du match.

Comme toute équipe sérieuse qui se respecte et qui veut remporter un titre de champion de France ou battre Lézignan en finale (dans le milieu du rugby à XIII, c’est un pléonasme), nous étions partis la veille du match pour se « mettre au vert ». Un trajet d’une durée de cinq heures (hors pauses pipi et erreur(s) d’itinéraire) nous attendait. Dans le bus, les visages étaient fermés, les regards concentrés, le collectif tout entier semblait concerné par l’échéance importantissime du lendemain, jusqu’au moment fatidique où le chauffeur démarra le véhicule. A partir de ce moment, des chants « guerriers » retentirent non-stop pendant des heures : la boiteuse s’en alla au marché plus d’une demi douzaine de fois, bâbord défit tribord et vice versa jusqu’à ce que le chauffeur décida du match nul, la moitié de l’effectif s’adonna au rituel de la danse du Limousin, dont le but était d’ôter ses vêtements tout en effectuant une chorégraphie très approximative suivant le rythme envoûtant d’une comptine aux paroles quelque peu répétitives. A l’avant du bus, on se défiait au rami puis au poker, entre triche, mauvaise foi et mises folles allant jusqu’à une barre chocolatée presque neuve. Au fond, avait lieu un regroupement de grands penseurs, vieux briscards de l’amour, qui s’échangeaient leurs plus belles expériences ainsi que des numéros et photos de filles aux mœurs légères. Au milieu du bus, on assistait à un véritable brainstorming qui abouti à une idée lumineuse : montrer une partie de son anatomie au car de retraités qui nous dépassait sur la voie de gauche. Une fois arrivés à Maurières, nous nous rendîmes dans un restaurant pour le dîner de veille de match. Là, on nous servit un repas léger, composé d’une salade, d’une pizza et d’un fondant au chocolat noyé sous une épaisse couche de crème anglaise accompagné d’une boule de glace à la vanille, diététique oblige.

Après une courte nuit de quelques dizaines de minutes de sommeil due à l’angoisse du match le plus important de la saison ainsi qu’aux chasses à l’homme dans les couloirs de l’hôtel, aux films pour adulte qui passaient ce soir là sur une chaîne câblée et aux fugues dans le jardin de l’hôtel, nous nous dirigeâmes vers le stade.

 Coup d’envoi du match : 14h. On rentre dans le vif du sujet.

On rentre dans le vestiaire, on s’assoit, on sort ses affaires. Thierry, l’entraineur-père-adoptif, nous donne les maillots. J’enfile la tenu de combat, le numéro 6 dans le dos, celui du demi d’ouverture. C’est pas mon poste de prédilection, ni même un poste que j’affectionne, mais quand on aime son club et qu’on joue une finale, l’égo reste à la maison. Les vestiaires puent le camphre, les paroles se font rares et brèves, les regards remplacent les grands discours. Quelques mots du capitaine et des entraineurs, aujourd’hui peu importe le résultat, on prend du plaisir et on fait honneur au club, à Saint Estève, au bout de terre qu’on représente, à nos familles, à la Catalogne, à nous-mêmes. On se dirige dans le tunnel tels des gladiateurs vers la mort, on y voit pas à un mètre à cause des fumigènes, le stade est archi comble, plus de 2000 personnes ont fait le déplacement, les ¾ étant de Lézignan. Avant de rentrer sur le terrain, l’arbitre nous arrête dans le couloir, les deux équipes sont en rang côte à côte, on se regarde, on lit les mêmes expressions et les mêmes craintes sur les visages de nos adversaires du jour. Mais il n’y a qu’un bouclier pour deux équipes. On rentre sur le terrain, sous les fumigènes, les cornes, les cris des supporters. Coup d’envoi, s’en suivent 50minutes de domination de notre part (24-8) puis les audois, obstinés et courageux comme à leur habitude, remontent et égalisent à 5minutes de la fin. Sur un dernier sursaut d’orgueil, on va en dame par deux fois et on s’assure la victoire 32-24. Coup de sifflet final, on chante on danse on se prend dans les bras, le temps s’arrête, j’en profite pour donner mon maillot tâché de sang à mon petit frère. Presque toute ma famille est présente ainsi qu’un ami et ma petite amie de l’époque, pendant ces quelques minutes après le coup de sifflet final, je me suis senti vivant, j’ai compris le bonheur que m’apportait le rugby, la récompense de tous ces efforts, la réponse à tous ces moments de doute. Toutes ces choses qu’on ne peut comprendre que si on les vit, ces choses qui ne s’expliquent pas avec des mots.
Et puis, mon grand-père était là…

Voilà pourquoi cette finale est mon plus beau souvenir dans le sport.

AF.

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