Le jeu à la toulousaine

En février 2014, le service public choisit de mettre un terme à plus de vingt ans de C’est Pas Sorcier, envoyant au chômage les deux acolytes de toujours, Fred et Jamy. Déterminés à faire de l’argent facile, et puisque D8 avait déjà racheté le Maillon Faible et A Prendre ou à Laisser, Keposport décide de les sortir de leur retraite. Après un coup de rasoir et un passage chez Celio, les revoilà pour rendre accessible à tous une multitude de savoirs.

“Dis Jamy, ce week-end j’ai emmené Sabine voir un match de rugby, comme ça devient sérieux entre nous, on s’est payé des sandwichs à la ventrèche et des bières à l’eau, et à la sortie du stade Ernest-Wallon je lui ai dit: Ben dis donc, c’était pas folichon! Et là une dame d’une soixantaine d’années m’a attrapé par le col, m’a plaqué contre le mur et m’a hurlé dessus que je n’étais qu’un ingrat et que si j’avais connu le jeu à la toulousaine j’aurai bien fermé ma grande bouche. Mais c’est quoi Jamy le jeu à la toulousaine?”

Le jeu à la toulousaine? C’est très simple Fred, laisse moi t’expliquer. Mais s’il te plait promets moi de ne plus dire folichon. Jamais.

Il y a bien longtemps, durant ce qu’il est convenu d’appeler l’Antiquité de l’Ovalie, vers le début du XXème siècle, le rugby de papa est en pleine expansion, et la ville de Toulouse s’autoproclame alors capitale du “rrrubi!” Les règles restent basiques, et l’issue d’une rencontre souvent la même, deux ou trois galettes dans le museau, beaucoup de cervoise, et tout le monde y trouve son compte. Le maire de l’époque, Claude Nougaro, déclare même dans son célèbre discours, “Ici si tu cognes tu gagnes” et personne ne trouve à y redire. Ce sport ne comporte alors que deux postes, celui d’avant, et celui d’avant maigre pour le bonheur de toute une région à qui l’on offre enfin un jeu simple à comprendre. On appelle désormais cette pratique le rugby de clocher.

Mais une bande de jeunes adolescents de la cité gasconne décide que cette façon de jouer ne leur convient plus. Ces rebelles portent alors les cheveux longs, pratiquent le air-guitar et ce qu’ils appellent le rugby de mouvement.

“On aperçoit, vêtus du maillot Rouge et Noir, G.Novès, P.Rougé-Thomas, R.Bouscatel, S.Laïrle et leurs compères.”

Tandis que René se met à imprimer des tricots de corps sérigraphiés “Jeu de mains, jeu de toulousains” pour financer leur projet fou, Guy et ses amis se mettent à faire jouer des gringalets qui courent vite et leur demandent de se passer le ballon dans des configurations tout à fait novatrices que l’on nommera ensuite combinaisons ou lancements de jeu. Sur le coup, le choc est immense et le club du Stade Toulousains s’octroie plusieurs titres de champion.

“D’accord Jamy, mais je peux te dire que ce week-end, ça n’avait rien à voir avec ce que tu racontes. Que s’est-il passé?”

Pour comprendre Fred, il nous faut continuer à dérouler l’histoire de ce coin de France que l’on nomme Sud-Ouest, Terre d’Ovalie. Les années ont passé, et le club de Toulouse a continué à développer son jeu Harlem Globetrotters durant ce que l’on appelle maintenant les Années Folles. Mais plusieurs des révoltés évoqués plus tôt quittent le navire et se trouvent remplacer par la force des choses, leurs idéaux ne leur ayant pas survécus.

Deux des responsables du changement, alors qu’ils évoluaient dans cette fameuse équipe.

Ces nouveaux venus sont partisans d’un retour aux traditions, ce que l’on appelle donc Fred, le rugby de clocher et souhaitent profiter de leurs positions avantageuses nouvellement acquises au sein de l’organisation. G.Novès, qui avait initié et mené la fronde, n’a plus sa fougue d’antan et se laisse facilement duper par ceux qu’il avait lui-même formé à ce rugby de mouvement.

“Personne pour me dire où j’ai foutu mes lunettes?”

La justice n’ayant pas retenu l’abus de faiblesse pourtant invoquer par la famille, les deux compères ont pu continuer à mener à bien leur entreprise de destruction. Nous voici donc dans la troisième ère, celle dite de la Restauration.

“Je veux bien te croire Jamy mais je t’assure que devant, ce week-end, c’était pas folichon non plus! C’est encore un troisième type de rugby?”

Qu’est ce qu’on avait dit à propos de folichon? Bon effectivement tu as bien observé Fred, ce terme de Restauration est erroné. Ce que l’on ne sait pas encore à l’époque, c’est que la Professionnalisation va doucement se répandre dans le rugby et c’est en fait ce terme qu’il faut maintenant employer pour évoquer cette nouvelle phase du rugby.

“Schéma de l’effet de la professionnalisation sur un joueur de rugby”

Les joueurs évoluent et il n’est maintenant plus possible de leur imposer ce que l’on appelait le rugby de mouvement et qui a fait la renommée et assuré la gloire du Stade Toulousain. Fini ces courses effrénées, ces gestes techniques opérés par des garçons aux corps de gymnastes. On découvre alors les stéroïdes et le rugby d’opposition, ce qui convient beaucoup mieux à d’autres clubs qui servaient jusque là de faire valoir à Toulouse et qui peuvent maintenant envisager de remporter des titres ce qu’ils se permettent éhontément.

“Le RC Toulon semble avoir trouvé l’alternative à ce rugby virevoltant.”

Surpris par cette découverte qui va bouleverser entièrement le monde du rugby, il n’y aurait pas qu’un club en France, les joueurs décident d’aller voir ailleurs si l’argent y est, et laissent le pauvre G.Novès bien seul, sans grand chose à faire. Plus question donc de pratiquer ce rugby de mouvement, trop old-school, ni même le rugby d’opposition, fautes de joueurs.

“Travail sur la mêlée fermée lors d’un entrainement.”

“Beh dis donc Jamy, elle est pas bien joyeuse ton histoire!”