Courrier du coeur

Ce matin, vers 13 heures, c’est le début d’une journée surprenante à la rédaction de Keposport. Je me lève tout juste, et vêtu de mon peignoir de satin, je tente d’atteindre la cuisine, enjambant le corps nu de MLF, jonchant le sol de la pièce. Alors que je récupère mes tranches de bacon dans le grille-pain, j’aperçois à la fenêtre le facteur me faisant de grands signes. Après avoir expliqué à MLF qu’il était de mauvais ton de courir après l’employé des PTT pour essayer de le mordre, je sors pour comprendre l’agitation de cet homme. Tout excité, il m’explique qu’un télégramme est arrivé pour la rédaction. Sans perdre plus de temps, je décide d’en prendre connaissance sur le pas de la porte:

“Cher Keposport,

Si je vous écris ce jour, c’est parce que je n’ai plus le choix. J’ai épuisé tous les recours, et pour vous dire, j’ai même tenter de contacter l’Equipe, qui avait malheureusement mobilisé tous ses employés sur la traduction de l’interview de Bastareaud. Je m’adresse donc à vous en désespoir de cause, afin que mon message soit entendu, et je compte sur vous pour le diffuser. Plus qu’un message, c’est en réalité un cri du coeur, un ras-le-bol qu’il me faut exprimer. Aujourd’hui, j’en ai gros.

Tout a commencé en 2011, en Septembre plus précisément. Tout allait bien à l’époque pour moi. Le MHR commençait à s’imposer dans le Top 14, Fufu et moi avions accepté la désertion de Louis, le public croyait en moi, et je m’étais même investi dans quelques associations, symbole s’il en est de la réussite pour un joueur (ici pour l’association de lutte contre l’illétrisme où nous apprenons à lire à de jeunes toulousains).

A ce moment-là, je m’embarque avec quelques copains pour l’autre bout du monde, la Nouvelle-Zélande. Tout est fait pour que nous réussissions, l’équipe est jeune mais expérimentée, la poule abordable. Je débute la compétition internationale comme titulaire, David “K.O.” Skrela en doublure, et un pont doré vers la gloire. Mais voilà, nous démarrons moyennement le tournoi, et le sélectionneur en place choisi de me remplacer après deux rencontres. Par le demi d’ouverture remplaçant? Non, par Morgan Parra! Le temps d’un essai, d’un réajustement ou d’un match-sanction pour me piquer au vif et me faire réagir? Non, jusqu’à la fin de la compétition. Mais poli, et bien obligé de faire avec et de ne pas trop l’ouvrir, n’étant pas troisième-ligne du Blanco Olympique, je n’ai rien dit, retenant simplement un léger rire nerveux lors de l’assassinat de Morgan Parra par le lâche Richie McCaw (mon film favori vous l’aurez deviné).

Mais tant pis pour l’exploit et la gloire internationale, j’allais rentrer dans mon club et me refaire une santé. Je laissais de côté cette expérience mondiale, et réagissais à peine à l’éviction de Lièvremont et sa sortie amère. Le MHR restait sur une finale de Top 14, et nul doute que cette saison il faudrait compter sur nous. Enfin je croyais! Au lieu de ça, il m’a fallu laisser les affiches de matchs à Mamuka, plus bankable que moi parait-il, et retrouver Fabien Galthié au quotidien. Vous souriez en vous disant qu’on peut facilement imaginer pire comme situation. Mais songez un peu, ses analyses de pilier de buvette, ses prédictions à faire passer Météo France pour des génies, c’est tous les jours qu’il m’a fallu revivre ça. Rajoutez à ça ses demandes hebdomadaires de lui réparer son téléphone ou sa tablette parce que “je dois bien savoir faire ça, j’ai ça dans le sang” et vous comprendrez ma lassitude. Il m’a même supplié un jour de lui apprendre le kung-fu parce qu’il devait annoncer à Mamuka qu’il ne serait pas titulaire! Pour au final, se faire sortir en quarts de finale par des moustachus au fin fond du Tarn. Mais encore une fois, je n’ai rien dit!

Je restais optimiste, me disant que la roue finirait bien par tourner de nouveau et rouler sur quelqu’un d’autre que moi. J’avais atteint le fond, pensais-je, il ne me restait plus qu’à pousser pour remonter. Nouvelle saison, nouveau sélectionneur, tout était fait pour un nouveau départ. De toute façon, que pouvait-il m’arriver de pire? D’ailleurs, j’obtenais ma séléction pour le tournoi des VI Nations 2013,de quoi me relancer, même en doublure de Michalak. Le plan était parfait, le bonhomme ne joue presque qu’à la mêlée en club, et n’est pas amateur de grand rendez-vous (je crois qu’il a un poster de Brock James dans sa chambre). Je n’avais plus qu’à attendre patiemment ma chance, et je n’aurai pas trop de mal à démontrer mon utilité pour l’équipe. Oui enfin, si j’avais su que c’était pour en devenir le nouveau Damien Traille! Je ne suis pas arrière, pas plus qu’ailier, centre à la limite, mais me voici devenu le nouveau couteau suisse de PSA. C’est triste à dire, mais je crois que j’en regretterai presque Lièvremont. Je vous le jure, je n’en peux plus. Faites quelque chose pour moi, naturalisez-moi, même Namibien, signez moi au RCT, condamnez moi pour dopage et suspendez moi, je veux même bien participer à Splash, ou The Voice, mais sortez moi de là!

Je vais faire une bêtise!

François”

S.K.