Thérapie de groupe

Battez tambours, sonnez trompettes et que résonne dans nos campagnes le chant du coq ! L’Equipe de France de Rugby vient d’obtenir sa qualification pour les demi-finales de la Coupe du Monde, en balayant l’ennemi héréditaire, la perfide Albion, se permettant même le luxe d’une prestation, si ce n’est chatoyante, en tout cas convaincante et plaisante. Et subitement, toute personne possédant une vie sociale, même virtuelle, l’aura remarqué : la France n’a plus peur, elle est de nouveau unique et indivisible, unie derrière son équipe nationale. Emporté par la christianjeanpierrisation, l’Hexagone vit désormais rugby, certains allant même jusqu’à courir s’acheter la panoplie complète.

Cependant, comme lors d’un apéro d’après-match de Lièvremont, on observe encore des réactions différentes. Keposport vous propose donc une analyse comportementale des supporters des Bleus. Séquence gratuite de psychologie à la truelle. Vous risquez de reconnaitre un membre de votre entourage dans les profils qui vont suivre, voir même y lire votre propre description. Ne paniquez pas.

Celui qui se découvre une passion subite pour l’Equipe de France de Rugby :

C’est ce que l’on appelle couramment un effet de mode. Après la victoire, bien décidé à y aller de votre petite blague sur la rencontre, vous vous connectez sur Twitter/Facebook/Minitel (rayez la mention inutile) et là, surprise. La moitié de vos contacts en parlent déjà, du simple « Bravo les Bleus » au plus abouti « Wé on va aitre chenpion ! » en passant par quelques boutades à l’attention de nos amis anglais. Même votre tante félicite Clerc et Médard, celle la même qui au dernier repas de famille conseillait à votre mère de vous faire suivre parce que vous aviez avoué vous être levé à 07h00 pour suivre Australie-Irlande. Voyez le bon côté des choses, vous ne passez plus pour un illuminé.

Celui qui se découvre une passion subite pour le rugby :

C’est bien beau la Coupe du Monde, mais ça ne nourrit pas son homme. Alors toujours vêtu de votre tenue détente (comprenez le survêt’ qui vous porte chaque weekend) vous foncez à la supérette pour les courses d’appoint, donc supposées rapide. Mais c’était sans compter sur ce cher Serge (n’essayez pas vous n’arriverez pas à le prononcer correctement à vitesse normale) qui a décidé de vous tenir le crachoir. Parce que Serge sait que vous suivez habituellement le rugby, occasion parfaite pour vous faire étalage de son nouveau savoir, estampillé Thierry Lacroix. Il vous parlera donc du pack français et surtout des troisièmes lattes (le néophyte aime les termes qui sonnent terroir) qui auront fort à faire face au panache gallois. Acquiescez simplement.

Celui qui est (désormais) derrière la France dit l’amnésique :

Lundi, 10h30, machine à café. Vous calculez et vous rendez compte qu’il vous reste encore 33 heures, 9 pauses, et 113 consultations de vos emails avant d’être à nouveau en weekend. Puis soudainement arrive la joyeuse bande, les 4 mecs toujours heureux au bureau. Et cette matinée ne dérogera pas à la règle. Il faut donc vous coltiner les commentaires dithyrambiques à propos du toujours exemplaire capitaine Dusautoir, du sans cesse redoutable basque Harinordoquy, du constamment épatant sélectionneur Lièvremont et autres fadaises. Et forcément, vous partagez ces avis, puisque vous aussi vous avez trouvé cette équipe plutôt bonne samedi. Puis soudain, flash-back. Vendredi, 15h00, ultime pause de la semaine. Pierre, le leader de la troupe vous a demandé ce que vous aviez prévu pour ce weekend avant de répondre : « Boh, ne perds pas ton temps avec ces guignols, ils sont mauvais comme jamais. » Il parait qu’il y a que les cons…

Celui qui « le disait depuis le début » :

Vous pensiez avoir tout vu avec vos 4 collègues de bureau. Mais c’est alors qu’arrive le mec du département Ventes, avec qui vous vous entendez plutôt bien, causant régulièrement de rugby depuis qu’il vous a surpris suivant le match de la Namibie en streaming. Rôdé à la nature humaine, vous vous attendez à observer chez lui le comportement décrit plus haut. Que nenni. Lui n’a pas oublié, il s’est carrément construit des souvenirs fictifs qu’il vous resserre à l’envie. Il commencera donc par un subtil : « Je savais qu’on était foutu de battre les British ! » Restez zen. « Tu vois quand je te disais après le match contre le Tonga, qu’il ne fallait pas enterrer les Bleus. » Bon à ce stade là, collez lui une beigne.

Celui qui le disait vraiment depuis le début :

Mais attention à ne pas se méprendre. Car oui, il y avait quelques irréductibles, des gens de peu de raison pour réellement croire en cette équipe malgré les désillusions. Des gens qui contre vents et marées, continuaient à parier sur une victoire flamboyante des rugbymen français. Un peu comme les chtis et l’équipe de France de football. Rien de plus honorable dans ce type d’attitude, bien au contraire ! A choisir, il vaut certainement mieux être de mauvaise foi que bercé de douces illusions. A moins d’en avoir des très grosses et d’avoir mis un billet sur les Bleus au lendemain de la défaite face aux Tongiens. Garder un soupçon de réserve toutefois avant de vous rallier à leur foi, comme le disait Georges en playback.

Celui qui n’en a rien à taper :

Et oui pourquoi pas après tout, y’en a qui dorment le samedi matin !

Evidemment, nous vous décrivons ici des situations de la vie courante que vous pourriez rencontrer dans divers endroits, mais l’affaire est finalement plus simple. Tendez le bras. Exactement, saisissez la télécommande et allumez votre téléviseur. Voilà, vous devriez tous les retrouver en cherchant un peu. Maintenant, comme dans les horoscopes proposés dans la presse gratuite, choisissez donc celui qui vous plaira le plus. Mais attention malgré tout, le supporter français est versatile est risque de changer d’attitude au gré du vent qui soufflera samedi prochain. Ce n’est peut-être pas un hasard si c’est un coq que l’on a choisit de planter au sommet d’une girouette.

Dr. S.K. pour l’occasion. Et n’oubliez pas de lire le R en lettre minuscule juste après le D, pour éviter toute confusion.